A Walk in the Forest
Publié en 2021, sous la direction éditoriale de Céline Fribourg,en collaboration avec les artistes.
Textes inédits de Tony Oursler
14 photographies originales (tirages pigmentaires) signées par Tony Oursler
Une vidéo de 15 min spécialement créée par Tony Oursler pour le livre, diffusée sur un écran LCD inséré dans le papier (batterie rechargeable)
Typographie inédite, mise en page et découpes dessinées par le studio Des Signes
Impression en sérigraphie et découpes manuelles
Boitier dessiné par Germans Ermics, sculpté dans une résine teintée puis poli par Vincent de Rijk
Clé USB en noyer, gravée, contenant la vidéo de l’artiste
30 exemplaires, numérotés et signés par les artistes
« Il n’y a rien de purement humain, il y a du végétal dans tout ce qui est humain, il y a de l’arbre à l’origine de toute expérience », écrit le philosophe Emanuele Coccia.
Depuis le début des années 80, Tony Oursler a fait de l’art vidéo son domaine de prédilection. Visionnaire, il fut l’un des premiers artistes à extraire l’image du cadre de l’écran. En choisissant le support sur lequel il projette ses créations, l’artiste invente de surprenantes installations immersives, dans lesquelles le spectateur se retrouve complètement désorienté.
En 2000, il crée à New York The Influence Machine, sa première œuvre vidéo projetée sur des arbres. Dix-neuf ans plus tard, il renouvelle l’expérience dans le jardin de la Fondation Cartier avec l’installation Eclipse. « J’aime observer la lumière filtrer à travers le feuillage des arbres, elle révèle des phénomènes optiques fascinants »,
confie l’artiste. De cette inspiration résulte une mise en scène captivante de visages mouvants, projetés sur les feuillages ou les troncs d’arbres, déclamant comme au théâtre des paroles solennelles questionnant le rapport de l’homme à la nature dans notre société contemporaine. La représentation allégorique de la forêt contribue à signifier la permanence de son empire, comme force vitale et régénératrice, et aussi comme symbole.
Dans le livre A Walk in the Forest Tony Oursler nous invite, à rencontrer ces différents « arbres-personnages » lors d’une promenade nocturne dans la forêt. Ses projections de visages engendrent autant de portraits d’arbres que de paysages fabuleux, et rappellent les tableaux des Saisons d’Arcimboldo.
Pour la première fois, les conversations de ces arbres, imaginées et retranscrites par l’artiste, sont publiées sous forme de textes dans le livre. Oursler, à travers ses photographies et ses mots, se fait le traducteur de ces arbres et leur porte-parole, évoquant les menaces qui pèsent sur la nature et soulignant l’incongruité de notre attitude à son égard. Avec une poésie dénuée de tout moralisme, il nous rappelle que la survie de l’homme est intégralement liée à l’existence des arbres et de la nature. La forêt a précédé l’homme et pourra éventuellement lui succéder.
Pour le livre, l’artiste a spécialement créé une vidéo de 15 minutes, diffusée sur un écran inséré dans le coffret. Dans ce court-métrage, une succession de tableaux de correspondances entre le visible et l’invisible, le microcosme et le macrocosme, l’art, la nature et les sciences nous transportent dans un univers fantastique. Naviguant entre les mondes terrestres, célestes et supra-célestes, l’homme fait partie d’un tout, d’un infini changeant, dynamique, en constante métamorphose. L’humour et l’étrangeté des compositions d’Oursler soulignent avec tendresse et mélancolie les problèmes de notre temps. Le regard métaphorique de l’artiste hypertrophie doucement l’absurde, produisant, comme l’a formulé Roland Barthes, un malaise subtil encore plus pénétrant que si l’horreur provenait de la simple exagération ou de l’admonestation formelle.
Dans ces allers et retours du loin au près, de l’abstraction idéale à la matérialité physique, Tony Oursler invite le spectateur à vivre l’expérience vertigineuse de l’inconstance de la forme et du signifiant. L’artiste est un magicien qui, en se promenant dans la forêt, joue avec la poésie, le rêve, la métaphore, l’invention du langage, l’énigme, les cryptographies, les grotesques. Une fois passé le sentiment de stupeur et de l’étonnement amusé, les images réveillent notre conscience inquiète, en prise avec un monde en proie à l’autodestruction.
Pour coucher par écrit les mots de la nature, le studio Des Signes a imaginé une forêt de pages ancrée par un « tronc » central en papier. Les graphistes ont spécialement créé des caractères typographiques qui « végétalisent » les lettres : elles semblent bourgeonner de manière organique à travers la page. Un jeu de découpes rappelle les ombres de la lune qui sculptent les feuillages la nuit.
Pour envelopper ce livre au spiritus phantasticus, le designer d’origine lettone Germans Ermics a dessiné un boitier à la forme hybride et intrigante, aux tonalités subtiles, qui rappelle de façon abstraite certains traits du visage humain. D’apparence presque liquide, moulé puis longuement poli par les mains du créateur néerlandais spécialiste de la résine Vincent de Rijk, ce contenant organique évoque la sève, l’eau, le minéral. Chacun des trente boitiers a une teinte légèrement différente, laissant transparaître les visages de ces « arbres-personnages » qui nous regardent à travers les pigments ombrés.